Manufacture de Porcelaine

Les Bénédictines, une fois la révolution terminée,  ne peuvent réintégrer leur monastère qui sera acheté en 1812   par Mr Langlois pour installer une fabrique de porcelaine, tandis que l'herbage deviendra le cimetière municipal. 

L'histoire de la porcelaine de Bayeux  se présente en 3  étapes liées aux familles qui se sont succédées à la tête de la manufacture : Langlois (1812-1849), Gosse (1849-1878) et Morlent (1878-1851)

Cette fabrique cessera de fonctionner en 1951. Le bâtiment sera longtemps à l'abandon avant d'être entièrement rénové au début des années 2000 pour devenir une résidence, nommée " Le Monastère".


Elaboration de la porcelaine : technique

La porcelaine est une céramique fine et translucide qui, si elle est produite à partir du kaolin par cuisson à plus de 1 200 °C, prend le nom plus précis de porcelaine dure. Elle est majoritairement utilisée dans les arts de la table. Sa spécificité est d'être élaborée à partir

Lavage du Kaolin.
Avant de mélanger la barbotine avec quartz et le feldspath,
on l'épure dans des bas de décantation

- d'une argile blanche réfractaire, le kaolin,  provenant des Pieux, composé de 55% de silice et 45% d'alumine qui sont issus de la décomposition du granit. L' utilisation dans la fabrication de la porcelaine, est une découverte et invention chinoise, qui n’a été introduite en Occident qu’au XVIIIe. La découverte de kaolin dans le Cotentin ( "Pieux") amène la création d'une manufacture à Valognes (Manche).

-de feldspath qui permettra, en raison de sa  réaction à la cuisson (rôle de fondant),  de vitrifier à 1410°. 

-de quartz, qui sert d'« ossature » aux pâtes dont il assure la bonne tenue à la cuisson


La pâte

La fabrication de la porcelaine, une céramique à pâte non poreuse, vitrifiée, translucide,  se fait en plusieurs étapes : 
-Le kaolin, transformé en bouillie ("barbotine") est d'abord épuré dans des bacs de décantation
-ensuite on  mélange avec de l'eau  kaolin à 50 % qui apporte solidité et résistance aux hautes température, feldspath et quartz de façon à obtenir une pâte via un filtre  à presse,  plus ou moins liquide.
-Une "marcheuse" pétrit la pâte afin d'éliminer les bulles d'air contenue dans la pâte.
-La pâte est mise dans de cuves pour s'oxyder et obtenir son homogénéité

La fabrication des pièces: 

-Coulage :le mélange est coulé dans un moule en plâtre, pour le petits objets (anses, pieds, boutons...) mais aussi  qui permet de fabriquer des objets aux formes complexes, irrégulières
-Calibrage : la pâte est calibrée par estampage sur une forme,
 cela consiste à presser ou à mouler de la pâte de porcelaine dans un moule ("une forme") pour lui donner une forme spécifique
-Tournage : façonner des pièces en porcelaine sur un tour de potier. Il permet de créer des pièces aux formes  régulières, variées et précises, souvent utilisées dans la fabrication de vaisselle, d'objets décoratifs et d'art.


En suite les pièces sont mises à sécher lentement (de 8 jours à 2 mois selon l'épaisseur) ce qui explique les nombreux petits bâtiments dans la cour Nord.


Atelier de tournage par calibrage
avec des moules en plâtre et des torus à calibrer

 
Atelier de coulage : procédé de façonnage.

Four  à alandier créé par M Gosse


La cuisson
Ensuite plusieurs étapes  de cuisson: 
  • Première cuisson  "Dégourdi": après séchage, une première cuisson à 800°/1000°C , on obtient une porcelaine "en biscuit mat"  qui demeure poreuse et fragile.
puis
    • Pose d'un décor  (en vue du "grand feu"): il s'agit de teintes limitées car produites  à partir de cobalt (bleu) , chrome (vert)... utilisés à Bayeux. les décors sont réalisés au pinceau

    • Émaillage ou vernissage : avec ou sans décor, on la trempe  dans un bain d'émail (65% feldspath + 30% de quartz + 5% de kaolin très fin)  qui va recouvrir d'un revêtement (émail ou vernis).

  • Deuxième cuisson "Grand feu": il s'agit de transformer l'émail en film vitrifié par cuisson entre entre 1 260 °C et 1 300 °C, mais certaines porcelaines, selon leur composition, ont besoin d'une température de cuisson supérieure (jusqu'à 1 400 °C = "le grand feu") dans un four classique. Cette cuisson à haute température provoque une vitrification en profondeur. Mais  la chaleur amène des impuretés, aussi faut-il protéger les pièces en les mettant dans une boîte hermétique  nommées "gazettes" qui seront empilées dans le four en forme de cloche.

Gosse a inventé le four "Gosse à alandier" qui permet  
en haut de cuire à 900° ("dégourdi")
et  en bas de cuire  à 1400° ( "grand feu")



Désormais la cuisson est réalisée dans un four tunnel (jusqu'à 70 mètres de longueur). 
 

    •  Décoration : facultatif, uniquement pour les pièces dont le décor est partiel. Elle est  appliquée à la main sur l'émail, souvent des tons riches et variés.
Après application, cette décoration est définitivement fixée sur la pièce par une
  • Troisième et dernière cuisson "le feu de moufle" au bois (800°).
     Le four à moufle comporte une double enveloppe. La chaleur circule entre les deux parois externes, évitant le contact direct des flammes et des cendres avec les pièces à cuire

Atelier des peintres

Atelier des peintres
Après la cuisson en "dégourdi" les peintres  décorent avant émaillage



Spécificité de la  fabrication de la porcelaine de Bayeux 

La pâte (assemblage de kaolin pur, de sables et de craie) est préparée pour être mise en forme à l’aide d’un tour ou bien coulée dans un moule de plâtre, technique qui n’est développée à Bayeux qu’à partir de 1898.

Les pièces sont séchées avant de subir une première cuisson à 800°.

Pour obtenir une porcelaine à l’aspect brillant, il est nécessaire de la recouvrir d’un émail. Certains décors sont posés au pinceau sur la pièce dégourdie avant l’émaillage. 

A Bayeux seuls le bleu de cobalt et le vert de chrome sont utilisés. La vitrification de la pâte et de l’émail nécessite une seconde cuisson à 1410° : le grand-feuLes autres couleurs sont exclusivement posées sur l’émail après cuisson au grand-feu.



P. J. Langlois : le fondateur 

Né à Lasson en 1759,  P. J. Langlois exerce d'abord la profession de marchand ferronnier d'art à Tilly-sur-Seulles. Il est doué d'un sens artistique très développé et emploie ses loisirs à faire de la peinture. Il s'installe ensuite à Caen et vit la période troublée de la Révolution, durant laquelle il fait partie de différents comités et accède à la présidence du Tribunal de Commerce.

Très préoccupé par les affaires publiques, il devient maire de Caen du 30 mai 1794 au 24 septembre de la même année. Après la Révolution, il se lance dans la finance et se fait banquier. Sa première épouse étant décédée, il se remarie en 1798 à Marie-Jeanne Le Cavelier, fille d'un industriel important.

En 1801, ses affaires l'amènent à Valognes, où la manufacture de porcelaine est en mauvaise posture financière. Pierre-Joachim passe alors plusieurs mois à la manufacture de Sèvres, où il étudie la fabrication de la porcelaine et en 1802, les actionnaires de Valognes lui confient la direction de l'entreprise. Elle prospère durant dix ans, mais suite à des rivalités entre actionnaires, la société d'exploitation qui arrive à expiration est dissoute le 4 juin 1812.


L'ancien Monastère devient une fabrique de porcelaine 

Muni d'une solide expérience, P.J. Langlois poursuit l'activité en la transférant à Bayeux et l'acquisition des bâtiments de l'ancien monastère, le 9 juin 1812 , en est l'acte de fondation. Le couple Langlois arrive à Bayeux avec ses cinq enfants, une partie de son personnel qui ne compte alors que 20  employés et le matériel de l'ancienne fabrique.

La situation géographique de Bayeux est très favorable aussi bien pour l'approvisionnement en combustible et en matière première que pour l'écoulement de la production.  Bénéficiant  à ses portes du bois nécessaire pour alimenter les fours, la manufacture se situe à moins de 10km de la mer, par laquelle transite le kaolin des Pieux, où ce gisement d'argile blanche n'est lui-même distant que de 5km de Diélette, son port d'embarquement. De plus, la ville est placée sur l'axe principal de communication entre la Normandie et la capitale où P.J. Langlois ouvre un dépôt, faubourg St Martin.

La façade Est entre, actuellement,  la rue de Verdun et la rue Maurice Schumann
1910

La sortie des ouvriers de la manufacture, rue Maurice Shumann
1910



Cour Nord avec les 2 bâtiments servant de fours


Trois dynasties de porcelainiers  à Bayeux

Trois familles de porcelainiers se sont succédées à la manufacture de Bayeux, les dynasties Langlois, Gosse et Morlent. 


LA PÉRIODE LANGLOIS 1812-1849

Pierre Joachim Langlois et son épouse acquièrent dès le 9 juin 1812 les bâtiments de l’ancien couvent des Bénédictines de Bayeux, mis sous séquestre à la Révolution. Il s’agit de l’acte de fondation de la manufacture de porcelaine de Bayeux.

En 1812 c'est une modeste manufacture :
-avec 4 tours dont un mécanique (équivalent à 4 tours ordinaires) inventé par PJ Langlois
-1 seul four grand-feu
-3 fours à moufle pour les décors.
pour une production annuelle de 40.000 à 60.000 pièces

En 1815, second tour mécanique pour les 30 employés.

En 1844, 24 tours mécaniques 70 font travailler  ouvriers pour une production annuelle de  100.000 à 130.000 pièces. La cuisson se déroule en 36 fournées annuelles dans  2 fours à  2 étages dont un  de 3,60 m de diamètre. et dans  3 fourneaux à moufle.


Quelle type de production ?

Les pièces les plus anciennes, "de luxe" signées « Bayeux » présentent des motifs posés sur l’émail avec des contrastes d’or mats et brillants, parfois enrichis de fleurettes polychromes dans un style hérité du XVIIIe siècle. 

Toutefois, les porcelaines les plus célèbres de la période Langlois, après 1820 (avec l'introduction du "grand feu"), sont aux motifs bleu, rouge et or, inspirés des porcelaines extrême-orientales. Ce triple motif caractérisera  "les couleurs classiques" de la manufacture de Bayeux.

A noter que les pièces décorées ne correspondent qu' à 5% de la production et que beaucoup sont réalisées  sur commande  ce qui explique la variété des formes avec des couleurs spécifiques.


En effet la porcelaine "blanche", développée par la "Veuve Langlois, 1830-1847", solide et résistante au feu, très réputée,  d'usage courant destinée :
-aux ménages : pots à eau, brocs, cuvette, vaisselle, ...
-chimie une centaine d'objets sont produits, capsules, creusets, barils pour l'acide, entonnoirs, pots, mortiers, tubes,  ballons
-utilitaires : roues de lit, rea de poulie (1819), et  en 1823,  réalisation des premières  plaques de rue en porcelaine, "caustographies" (dessin sur une plaque de porcelaine qui n'auront que peu de succès..)

A l'exposition nationale de  1844 sont présentés : 77 instruments de chimie, 19 articles de ménage et  seulement 5 pièces décoratives.


Joachim Langlois ouvra une boutique dépôt à Paris au n°88, rue du Faubourg-Saint-Martin puis au n°80. Plus tard, ce dépôt fut installé au n°8, rue Martel. Dans ces années 1820, la renommée de la manufacture dépassa largement les frontières nationales pour atteindre la Russie et les Etats-Unis. La célébrité de la manufacture toucha bientôt les couches les plus élevées de la société. C’est ainsi qu’au cours de l’année 1828, la Duchesse de Berry et de nombreuses autres personnalités avaient tenu à visiter le magasin de Paris et à y faire des achats importants. En 1834, à la Grande Exposition Nationale, place de la Concorde à Paris, la manufacture fut récompensée d’une médaille de bronze.

A la mort de Madame Veuve Langlois (1847), l'effectif de la fabrique comprend 150 personnes ; après beaucoup de mésentente entre héritiers, ses filles Jeanny et Sophie continuent à gérer mais l'arrivée de la révolution de 1848 provoque le déclin (25 ouvriers). Il faut vendre la manufacture.

Aujourd'hui la porcelaine Langlois, la plus ancienne, est  la plus prisée, en effet c'est  la plus richement décorée, et donc,  la plus ancienne est devenue... la plus chère !


Porcelaines inspiration  Extrême-orient (chinois)
Riche décor avec motifs bleu, rouge et or
  
décor polychrome et or de branchages et brindilles fleuries





LA PÉRIODE GOSSE 1849-1878

Le 10 octobre 1849, François Gosse (commerçant en porcelaine à Paris) est le seul enchérisseur à la vente à la bougie de la manufacture. Lorsque M. Gosse était arrivé, la fabrique n’occupait plus que 25 ouvriers, en effet le contexte a été  défavorable,  règlement difficile de la  de succession en pleine révolution de  1848... Le chiffre d'affaires annuel est divisé par 3 année  1848 passant de 90.000 francs à 30.000.

Peu d’années après, elle comptera 130 ouvriers et la production de 30 tours suffisait à peine aux commandes.

En effet, Gosse s'engage dans la modernisation.
-En 1857, il crée un nouveau "four à alandier" souterrain qui réduit la durée de cuisson au bois de 32 à 28 heures et qui sera  à la houille (anglaise) en 1859.  En 1863, il y aura  4 fours à a alandier. 

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Le nouveau  à alandier a un diamètre de  4 m sur  3 m de hauteur en dôme. Il est chauffé sur sa circonférence  par 5 alandiers (foyers) et par en dessous  par un alandier central souterrain. Désormais la chaleur est bien uniforme
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-Au même moment création de la ligne Paris-Cherbourg par la compagnie des Chemins de fer de l'Ouest, inaugurée le 4 Août 1858 qui permet l'arrivée du kaolin par voie ferrée

 Ainsi la productivité s'améliore qui amène une baisse des prix de vente dès 1854 (baisse de 30 à 50% par rapport en 1848)
 L’effectif de la manufacture  se situe entre  100 et 130 ouvriers entre  1855 et 1876

La production évolue peu avec moins de "luxe" et davantage de porcelaine blanche  (labo, chimie) et avec une nouveauté avec la porcelaine de ménage, en effet la porcelaine de Bayeux à une réputation de "grande solidité".

Dès 1855, les signatures apposées, « GOSSE/Bayeux », « G/Bayeux » et « Bayeux » permettent d’identifier le Bayeux période Gosse jusqu’en 1879. D’abord d’inspirations orientales, les motifs évoluent progressivement vers une simplification avec la  standardisation d’un motif végétal inspiré par la fleur de pommier. Celui-ci remporte un véritable succès et constitue le principal décor développé à partir de 1870, sous la direction de Paul Gosse. Toujours avec des motifs  bleu, rouge et or, et surtout des dominantes bleues : branchettes bleues avec fleurs rehaussées or, fond bleu grand feu garni de fleurs rouge...), décor  à la pomme (pomme, feuilles, fleurs), décors bleu et or, blanc et or,  rouge et or.
 

La manufacture remporta des prix  lors des Expositions Universelles (New-York 1853, Bruxelles 1857 et  des médailles d’or aux expositions de Londres en 1862 et de Paris en 1867.

Les autres articles en porcelaine blanche continuent à être produits sans grande  innovation mais en quantité avec 308.000 objets inventoriés dans les magasins en 1878 répartis ainsi : 
-39% d'ustensiles de chimie, dont beaucoup de "capsules" (forme de petit bol)
-61% d'articles de ménage


Inspiration orientales, début période Gosse

Tulipière : Motif végétal "fleur de pommier"
en bleu "grand feu"


Service à thé, bleu, réhaussée d'or


Matériel de cuisine



LA PÉRIODE MORLENT 1878-1951


Vase décor Imari avec  bronze doré..  (Monté en lampe)

L’acquisition de la manufacture le 9 septembre 1878, par J. Morlent (26ans), se caractérise par l’entrée dans lère industrielle
-L'introduction de la force motrice (1886) avec installation d'une machine à vapeur ---La modernisation du façonnage des pièces par coulage  nécessitant  beaucoup d'eau ne sera mis en place  qu"en 1898 lorsque la ville sera dotée d'un réseau d'eau courante

Le dynamisme de l'entreprise  amène une grande diversité de production : toujours des pièces décorées  à la main, mais surtout  de la porcelaine d'usage courant, produits techniques pour laboratoires. Pour la vente, en plus de la boutique de Paris, il existe de nombreux catalogues illustrés par un  service commercial  avec des possibilités de déclinaison en différentes tailles et décors, réalisés avant émaillage et cuisson à 1410°.

L'entreprise compte désormais plus de 130 ouvriers, ce qui en fait une des entreprises les plus importantes de Bayeux, qui  a créé  une "Société de secours mutuels des ouvriers" mise en place en  1883.

La production  de matériel de chimie offre  un débouché commercial des plus prometteurs, qui se développe, et devient  le fer de lance de l'entreprise : plus de  80 % de la productionnéanmoins, l'on fabrique toujours de belles  porcelaines traditionnelles. 

Pour la décoration des porcelaines, J Morlent abandonne à partir de 1885  les luxueux décors obtenus après émaillage avec cuisson au feu de moufle. Toutefois, il travaille avec des artistes  en peinture sur porcelaine.
Toujours réalisés à la main et au pinceau, les décors    "Saxe"  en bleu de cobalt et  "barbeau"  en bleu et vert  s’ajoutent au décor  "pomme  ou 
fleurs de pommier"  qui  se retrouvent sur les "pièces de ménage" proposés en plusieurs dimensions.

Enfin, est élaboré le décor « marguerite », une création de J. Morlent spécifiquement bayeusaine,  avec de sobres et harmonieux filets bleu.

Après 1910 mise en œuvre  d'une nouvelle pâte à porcelaine vitrifiant à 1280° au lieu de 1410°, mise au point  par le fils  Morlent,  ingénieur diplômé de l'école de Céramique de Sèvres.  De fait, de nouvelles formes et couleurs apparaissent.

La première guerre mondiale brise cet élan de modernisme. Dans l'entre deux guerres, les articles de ménage prennent des couleurs (jaune, vert olive, bleu, acier...). Le "design"  commence à apparaître.  Vers 1930 se développe  un décor marguerite simplifié à un seul filet bleu en bordure accompagné de quelques  décors (dans un but d'économie)

En chimie, des millions de pièces sont faites à Bayeux.

En 1928 le gisement de Kaolin des Pieux est épuisé, JP Morlent crée une nouvelle pâte à partir de kaolin de Cornouailles, de sable de la Nièvre,  d'hallocyte d'Algérie.

Durant la Seconde Guerre mondiale, la production est totalement désorganisée, d'autant que la famille Morlent refuse de collaborer,  Jean Pierre, le fils Morlent ,  est fait prisonnier en Allemagne pendant toute la guerre.


Décor  à la "Marguerite"
Porcelaine de ménage, décor "La Marguerite"
Porcelaine de ménage, décor "La Marguerite"





Matériel de chimie (1950)
Matériel de laboratoire



=> Voir au MAHB de Bayeux de nombreuses et variées  collections de porcelaine


La fin...
La fabrique réussit  à conserver une certaine activité pendant la première guerre mondiale, résista bien fort bien à la crise économique de 1936.
La seconde guerre mondiale paralyse  et désorganise la production de la manufacture qui ferma à deux reprises : de  juin 1940 à juin 1941  puis  d'avril 1944 à septembre 1945.
La manufacture ouvre ses portes le 1° septembre  1945 sous forme d'une SARL " Manufacture porcelaine de Bayeux" avec un nouvel administrateur R Dagron qui accompagne la famille Morlent.
La manufacture reprend ses activités, les fours tournent car la demande est forte mais il faut moderniser car les fours centenaires sont en mauvais état avec des voutes qui menacent de s'effondrer.

Comment reconstruire ? 
fours ronds intermittents ou  nouveaux fours à feu continu  ou "fours -tunnels"? La dernière option est retenue.
Un problème se pose : seuls les allemands maitrisent depuis les années trente cette technologie  qui fait économiser l'énergie,  régule la qualité et facilite le travail de la main d'œuvre malgré un travail de nuit. Il est exclu de travailler avec les  deux sociétés allemandes qui en fabriquent.
On se tourne vers des sociétés  françaises qui ne peuvent soumettre que des projets pour créer  2 fours :  l'un  de 30 m  de long à 800° pour le dégourdi, l'autre  de  50 m à 1410° pour l'émail. Les études  patinent pour trouver l'emplacement des fours  au monastère.
On décide  de faire des travaux importants :  garder les bâtiments anciens pour la pâte, et construire côté jardin, "un très beau bâtiment en béton armé, à deux étages", adossé au bâtiment Nord dont les planchers rejoindront les planchers existant du monastère.

Quel constructeur ?
Pour le choix du constructeur, il faut suivre les recommandations de la  puissante SFP qui délivre les "bons matière" pour la fabrication (Société Professionnelle de Porcelaine") qui s'associe avec  l'EICT (Etudes industrielles de Constructions thermiques" dirigée par Mr Sylvany. Les plans arrivent :
-Four à dégourdir de 28 m au premier étage (il faut un plancher qui supporte 5 T au m²) à côté de l'atelier de coulage du petit four
-Four émail de 48 m de long au rez de chaussée qui se prolongera dans le bâtiment côté Est. Le  nouveau bâtiment devra mesurer  56 m

Quel combustible ?
Le gaz ! mais l'usine à gaz de Bayeux est vétuste et ne peut guère  produire plus. On installe  une station gazogène sous un bâtiment  à construire au delà des fours. Le gaz sortant devra être épuré dans une eau renouvelée, manque de chance l'eau de la ville manque de pression et connait de coupures !  une tentative de puits à 70 m de profondeur ne donne pas assez de débit, donc on va construire un château d'eau 

Et l'électricité ?
En  1946, le courant est souvent coupé en raison des coups de vent, incompatible avec avec la continuité de cuisson des fours, il faut donc installer un groupe électrogène de 40KVA à démarrage automatique..

Et l'avancement des travaux ?
Des surprises , comme le piteux état des poutres de bois lors de la pénétration du four sous l'atelier de coulage nécessite de couler  sur l'aile rue des Terres un  nouveau plancher béton au premier et au grenier.  Sur ce même chantier, on trouve des cranes et os humains qui se révèrent être ceux des fondateurs : le seigneur d'Escoville et son épouse inhumés en 1670 et 1674 de part et d'autre du grand autel, en effet ce bâtiment abritait l'église du couvent des Bénédictines. Les restes furent transportés chez les bénédictines, rue Saint Loup. Il y aurait xix ou sept autres corps  sous le béton.

1 Juillet 1949 : Tout est prêt, réorganisé  avec des nouveautés
A l'étage des Bâtiments A et B le cloisonnement a été détruit au profit d'un vaste atelier en L de 30 m de long de 460 m² pour le coulage sur une  double table zinguée  de  2x 4 m de long et sur des tables circulaires tournantes
  • Nouveau bâtiment
    • RDC : Four tunnel cuisson à 1400° entouré de voies de service
    • Etage 1 :Four tunnel cuisson à 800° entouré de voies de service et de stockage de pièces ( au niveau des ateliers de coulage Bât A et B)
    • Etage 3  avec ses demi voutes paraboliques de béton juxtaposées terminé par une verrière Stockage des pièces. Il sert  pour
      • Finitions 
      • fabrication des produits en pâte plastique.
      • calibrage grand creux et plâtrerie
      • extrémité ouest : filage de tubes
     
  • Bâtiment A Etage 1  (cloisonnements détruits)
    • Atelier de coulage creux et grand creux
  • Bâtiment A : Grenier Etage 2
    • Stockage moules de calibrage  et plâtre à modeler
  •  Bâtiment B en  RDC:
    • monte charge  pour  monter les pâtes et autres charges lourdes
    • marche à pâte  avec 2 nouveaux filtres-presses
    • marcheuses batteuses remplacées par une désaéreuse (USA)  qui fait sortir   des gros cylindres de pâte prête à l'emploi sans bulle d'air

  •  Bât B  Etage 1 (cloisonnements détruits)
    • Calibrage sur bosse (assiettes, plats, tasses, ramequins)
    • Atelier de coulage petit creux ( petites pièces : capsules, creusets)

  •  Bât B  Etage 2
    • calibrage petite bosse et petit creux
    • calibrage plâtrerie

  • Extrémité Bat B 
      • Bât 1 :Epoussetage et émaillage surmonté du château d'eau
      • Bât 2 :  Gazogènes
      • Bât 3 : Parc à charbon

  • Ancienne bâtiments cour rue des Terres devant Bâtiment A : elles est couverte pour le stockage, tri et emballage  des produits pour la sortie en vue d'expédition

  • Bâtiment Route de Littry : Conciergerie, bureaux laboratoire en RDC. Les  2étages sont  aménagés en 3 appartements de fonction.

  • Paris : Nouveau magasin moderne , rue ND de Nazareth avec un catalogue luxueux..

MISE EN ROUTE
  • 1 Juillet 1949 : mise en chauffe des fours tunnels
    Jamais les fours gazogènes ne fonctionneront de manière stable
    Les pertes de cuisson sont immenses, le constructeur ne parvient pas  à le mettre au point, c'est lui  le responsable.
    Progressivement les problèmes techniques du fabricant de four alliées à d'énormes difficultés financières amènent...

  •  Dépôt de bilan le 30 juin 1951 de la manufacture.
    • Fermeture définitive le  31 juillet 1951
    • Juillet 1954 :  La Société des Anciens Etablissements Parvillée Frères achète le fonds de commerce et le matériel qu'il transporte  dans l'usine de Cramoisy (Oise) qui fabriquera des porcelaines de   marque BX, mais qui ferma en  1959.
    • Le matériel est envoyé dans une autre usine à Saint Genou (Indre)








Le Monastère en ruine ( non daté)


Source  principale :

 La porcelaine de Bayeux 1812-1951 De la fabrication à la collection. Musée du Baron-Gérard







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